Friday, June 6, 2008

Le pouls du système de santé chinois

Quand Deng Xiaoping déclara en 1979 que « devenir riche est glorieux » il existait en Chine un système de santé universel. Les citadins, alors beaucoup moins nombreux qu’à présent, avaient accès aux hôpitaux tandis que les habitants des régions rurales fréquentaient les dispensaires locaux ainsi que les « médecins aux pieds nus ». Ces derniers, se promenant de village en village afin de soigner les malades, ont largement contribués à faire augmenter l’espérance de vie de plus de trente ans, en moins d’un quart de siècle.

Ce système s’effondra avec l’ouverture des marchés, l’abandon des communes et le désinvestissement de l’État dans les campagnes en faveur des cités. Ainsi, bien qu’une grande majorité des Chinois urbains aient des assurances privées leur permettant d’avoir accès à des soins de santés de qualité, près de la moitié de la population rurale (environ 390 millions de personnes) n’ont même pas accès à des soins rudimentaires. Il est estimé que moins de 10% de la population rurale est assurée en cas de maladies. Environ la moitié des ruraux risquent la pauvreté s’ils tombent malade puisqu’il est estimé que traiter un malade coûte en moyenne 300$, c’est-à-dire le salaire annuel d’un paysan. Il est donc normal que plusieurs ruraux préfèrent ne pas consulter de médecins en cas de maladie.

Ceux et celles qui choisissent de se faire traiter professionnellement n’obtiennent souvent pas les soins optimums. Les meilleurs médecins s’exilent vers les villes où ils obtiennent un meilleur salaire et une meilleure qualité de vie. Bien que les soins médicaux aient été privatisés, le gouvernement fixe encore les prix des traitements et les hôpitaux sont obligés de faire leur frais en vendant des médicaments. Les revenus provenant de la vente de médicaments constituent entre 60% et 70% des revenus des hôpitaux, alors que la moyenne mondiale est de 15%. Comme les salaires des médecins sont souvent liés au profit de la vente de médicaments, il y a surutilisation de médicaments, tels les antibiotiques et les stéroïdes. Beaucoup de ces médicaments, strictement réglementés au Canada et ailleurs, sont faciles à obtenir sans prescription dans les pharmacies du pays.

Mais le plus grand problème du système de santé chinois est le même qui frappe toutes les facettes de la société chinoise, et je nomme ici la division rurale-urbaine. Selon l’Unicef, les statistiques qui démontrent que l’espérance de vie et le taux de mortalité infantile sont en régression masqueraient en fait le phénomène des disparités régionales. L’organisme donne l’exemple du taux de mortalité infantile qui est de 16,3 décès pour 1000 naissances dans les régions urbaines alors qu’il atteint 40 décès pour 1000 naissances dans les régions rurales.

Le gouvernement, toujours soucieux de garder « l’harmonie sociale » est conscient de cette disparité et considère la santé, ainsi que l’environnement, comme l’une de ses priorités. Il vient d’annoncer en 2006 un plan, qui s’il est respecté, prévoit la création d’un fonds de santé commun pour plus de 410 millions de paysans. Ces derniers, pour y adhérer devraient contribuer l’équivalent d’un dollar par mois, qui serait ensuite bonifié par l’état. Les participants bénéficieraient alors de réductions de leurs dépenses médicales d’environ 30%. Bien que le plan soit encore modeste, le ministère de la santé promet de l’accompagner d’autres programmes tels : l’augmentation de crédits en faveur des cliniques rurales, l’envoie de médecins et infirmier(e)s urbains vers les régions rurales et une plus grande ouverture envers les ONG. Plusieurs entrevoient aussi la possibilité de créer un système de santé universel tel qu’il existe au Canada, mais cette possibilité, très coûteuse, est encore bien loin.

Un autre problème de santé qui guette la Chine est relié à son urbanisation rapide. Cette dernière, d’une ampleur encore jamais vue dans notre histoire, crée un changement des moeurs et des coutumes qui mettent en danger la santé à long terme de ses citoyens. De plus en plus de gens conduisent des voitures au lieu de prendre la bicyclette et les chaînes de restauration rapide tels, McDonald’s et Kentucky Fried Chicken (malheureusement pas de Dixie Lee!) sont de plus en plus en vogue en Chine. Il ne faut pas non plus oublier les conséquences néfastes de la pollution de l’air et de l’eau, ainsi que la mauvaise utilisation des pesticides. La solution cette fois, existe dans la prévention. La cigarette en est un bon exemple, car un fumeur sur trois au monde vit en Chine. Les appels de certains groupes visant à réduire ce nombre ont fait face à un mur. Officiellement, une campagne anti-cigarette pourrait endommager l’harmonie sociale, mais des soupçons de collusion entre le gouvernement et les compagnies de cigarettes sont plus plausibles, car plus d’un million de Chinois meurent de causes reliées à la consommation de tabac et la « stabilité sociale » n’est dans ce cas, jamais mise en cause.

En d’autres mots, la Chine en se développant commence à avoir des problèmes de pays développé. Si elle veut encore continuer à améliorer la santé de ses citoyens, elle doit d’un côté, rendre le système de santé accessible à un plus grand nombre de ses citoyens tout en poussant plus loin la protection de l’environnement et la promotion de modes de vie plus sains. Un problème de taille quand l’on considère que la Chine a plus d’un milliard trois cent millions d’habitants et une superficie qui s’approche de celle du Canada. Et je n’ai même pas parlé de possibles épidémies, telles la grippe aviaire ou encore le SRAS qui paralysa le système de santé en 2003-2004.

La Chine a aussi la particularité d’être l’un des seuls pays au monde qui vieillit avant d’avoir atteint un haut niveau de développement. Le vieillissement de la population est un phénomène bien connu chez-nous, mais il s’apprête aussi à frapper la Chine, qui sous la politique du contrôle des naissances, connaît un débalancement démographique important. Il est difficile de prévoir ce que sera le futur, mais il est certain que les demandes en matière de services de santé ne feront qu’augmenter. Il est donc normal que plusieurs compagnies internationales, en particulier les compagnies pharmaceutiques et les manufacturiers d’équipements médicaux spécialisés, se bousculent pour rentrer dans le marché chinois. Il me semble que le Canada et les provinces Atlantique, avec son expertise dans le domaine de la santé pourrait se joindre à la course et en tirer de grands profits économiques.

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