Friday, June 6, 2008

Gatsby le Chinois

J’ai beaucoup de temps libre dernièrement et j’en ai profité pour lire «The Great Gatsby » de Scott F. Fitzgerald. J’ai beaucoup aimé ce livre, au début je me demandais un peu de quoi il parlait, mais j’ai bien réussi à rattacher un sens à l’histoire. Ce que j’ai le plus aimé dans ce livre n’est pas l’intrigue mais plutôt la description de la société bourgeoise de l’est des États-Unis au début du 20e siècle. Les personnages de Fitzgerald sont frivoles et ennuyés, trop riches, ils ne savent pas quoi faire avec leur argent et passent leurs fins de semaines à Long Island chez le voisin du personnage principal. Le voisin, Mr. Gatsby est un homme né dans la pauvreté qui grâce à son intelligence, à la chance et au crime organisé s’est construit une petite fortune. Afin de bien s’introduire dans cette société, il doit se créer une nouvelle identité. Il courtise aussi une jeune femme qu’il avait rencontrée avant de devenir riche, mais celle-ci est maintenant marié à un joueur de polo et ne peut s’abandonner à cet amour.

Ce n’est pas la première description de société bourgeoise que je lis, mais comme l’action se produit à New York et que l’écrivain est américain, je pense que ce roman me touche beaucoup plus que ce que Stendhal, Dumas ou Dostoïevski ont écrit. La vie des riches que ces Européens décrivent est étrangère à mes expériences qui sont très nord-américaines. Les riches de chez-nous sont pêcheurs de crabe, propriétaires d’usine ou membres de la famille Irving, ce sont des gens normaux.

Les personnages de Fitzgerald sont étonnants puisqu’ils ressemblent à des gens que je connais en Chine ou ailleurs dans le monde. En Chine, où la majorité des gens sont encore pauvres, les riches semblent souvent faire des efforts pour montrer leur richesse. Je remarque beaucoup plus de vêtements de marque, de magasins de bijoux, de voitures de luxe, de bars haut de gamme et de ‘’penthouses’’ à Shanghai, qu’à Montréal ou Toronto. Un autre phénomène bizarre est que les cafés qui sont chez-nous pour un peu tout le monde (Tim Hortons), sont ici très exclusifs. Un café ici peut coûter autant que le salaire d’une journée de travail dans une usine. Il y a beaucoup d’exemples de cette sorte. Pour une grande partie de la population chinoise, les conditions de vie ressemblent beaucoup à celles qui existaient durant la révolution industrielle au Canada. Les histoires de Gabrielle Roy auraient pu être écrites dans les campagnes du Hebei ou dans les banlieues de Shanghai.

La Chine n’a pas de bidonvilles, le gouvernement passe le bulldozer sur tout bâtiment non approuvé. Théoriquement, les travailleurs migrants qui oeuvrent dans les usines et sites de construction partout dans le pays peuvent toujours retourner dans leurs villages et il est encore illégal de vendre et d’acheter des terres agricoles. Les gouvernements locaux des villes doivent aussi s’occuper des sans-emplois et des retraités. En d’autres mots, il ne devrait techniquement pas y avoir de sans-abris en Chine. La réalité n’est toutefois pas aussi rose et il est commun de voir des gens quêter en ville. J’ai quand même l’impression qu’il n’y a pas autant de sans-abris à Shanghai qu’à Montréal, mais je ne connais pas les chiffres exacts. Beaucoup de personnes qui quêtent en ville sont aveugles, et une légende urbaine raconte que la mafia les emmène quêter à chaque matin et les ramène le soir, prenant bien soin de se prendre une grande partie des revenus.

Aux Philippines et au Brésil, la différence entre les riches et les pauvres était encore plus frappante qu’ici. Ces deux pays ont de graves problèmes de violence et d’égalité sociale. Aux Philippines, la minorité chinoise du pays est dominante dans les sphères économique et politique. Il en résulte que les Chinois sont une classe à part, ils ne se mélangent pas facilement au reste de la population. Les maisons chinoises que j’ai visité aux Philippines ressemblaient presque à des complexes militarisés avec des caméras de sécurité, des grillages et des gardes de sécurité. La richesse attire aussi la convoitise et je connais des gens dans ces deux pays qui à mon âge (22 ans), ne sortent pas de la maison sans un garde du corps par peur de se faire prendre en otage. C’est d’ailleurs un signe que le peuple Chinois profite du développement économique - car je ne connais personne en Chine qui a peur des gens ordinaires, sauf les gens de Hong Kong qui un peu paranoïde essayaient de me persuader de ne pas aller vivre à Shanghai à la veille de mon départ.

Les Chinois ont cela de commun avec les Américains (et par le fait même, avec les Canadiens), ils ont une culture de masse. Le McDonald’s, les souliers Nike et les voitures Ford sont des marques qui s’importent bien en Chine puisqu’elles visent à vendre le plus grand nombre de produits possible, ce sont des produits de classe moyenne. De la même façon, les dirigeants chinois essaient souvent de se montrer comme des gens normaux (malgré leur technocratie ultime) et les millionnaires peuvent être aperçus non pas en tenue de ville mais en habit de sport.

Je pense qu’au Canada comme en Chine il est quelque peu mal vu d’être riche bien que la culture populaire fasse la promotion d’un style de consommation excessif. L’idée derrière cette consommation est souvent que tout le monde devrait avoir un véhicule utilitaire sport, une laveuse-sécheuse ou des vacances aux Caraïbes. Ces produits ne sont pas vendus comme des produits de luxe exclusifs mais comme quelque chose qui se situe à l’intérieur des normes de la classe moyenne. La même chose se produit en Chine, mais le niveau de développement étant moins élevé, les différences entre les riches et les pauvres sont plus apparentes.

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